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Joëlle Bondil est scénographe.

Je le sais, j'ai travaillé plusieurs fois avec elle.

Elle a, disons, travaillé sur plusieurs spectacles que j'avais écrits.

Parfois, voilà, je suis invité par une compagnie, à suivre dès l'entame le travail de création autour d'un de mes textes.

J'ai rencontré Joëlle ainsi, sur un projet de Patrick Sueur et sa compagnie Le Théâtre Dû, Flexible hop hop, le premier texte que j'ai écrit pour lui.

Je suis toujours curieux de voir comment les gens travaillent, comment ça nait, comment ça s'élabore, cette chose si fragile, parfois presque invisible et pourtant essentielle qu'est la scénographie d'un spectacle. Les chemins que ça prend pour devenir.

Joëlle travaille à partir du texte. D'abord c'est ça, le texte plein de notes. Des notes et puis à côté des dessins, des ébauches. Des story-boards qu'elle trace. Les photos, les vidéos, les maquettes qui naissent.

Il m'a semblé assez vite voir une vraie proximité avec ma façon à moi, dans l'écriture, d'œuvrer. Cette manière de chercher assez longtemps, de tâtonner, de partir dans plein de voies diverses avant de trouver l'endroit exact, cette manière peut-être d'accumuler pour mieux ensuite épurer, retirer, aller à l'essentiel.

Les scénographies de Joëlle, pour Flexible hop hop donc, puis pour Le Mardi à Monoprix et pour Mr le (mais aussi pour le spectacle La Mastication des Morts, texte de Patrick Kermann dont j'ai fait l'adaptation pour Patrick Sueur) sont à l'image de ce que j'écris. Tout n'est pas dit. Il y a des vides, de l'espace. Des suspends. Presque rien, quelques éléments, quelques images, des objets, des objets posés ou bien descendant au bout d'un fil des plafonds, de quoi fixer l'œil, ouvrir des espaces, des possibles, pour le spectateur mais aussi pour l'acteur. Des lignes, des mouvements, des surfaces qui reflètent, des surfaces de projection.

Travail, oui, sur le dépouillement.

Laisser la place pour les mots, pour les corps. Pour l'imaginaire, aussi, de celui qui regarde.

Se tenir loin du réalisme.

Raconter comme dans ce que j'écris, des espaces lieux et des espaces temps un peu flous.

Laisser des suspends.

J'aime beaucoup, oui, le travail avec elle. La correspondance que l'on entretient pendant ces périodes de création. Ce qu'elle m'envoie de ses ébauches. De sa réflexion. Les vidéos, les photos qu'elle réalise. Les artistes dont on parle ensemble, qui nous nourrissent l'un et l'autre.

Ce qui reste ensuite de ça, au plateau, parfois presque rien si ce n'est, sans doute, l'empreinte.

Emmanuel Darley - Auteur - 2013

 

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Notes JBondil

 

Une réflexion sur l’espace, de l’universel au particulier, de l’intime au public, d’un point de 

vue à l’autre, la scénographie se déplace en profondeur, comme elle tourne sur des axes.

 

Un espace, conçu comme une nécessité et devant apparaître au final comme une évidence.

 

Un dispositif en respiration et en dialogue permanent avec tous les autres partenaires.

 

Un espace habité, exploré, rendu vivant et aussi signifiant par des qualités de corps.

 

Une pratique faisant oeuvre de création qui se nourrit aux mêmes sources que celles de l’histoire des Arts - matérielle et immatérielle.

 

Une architecture dramaturgique et organique.

 

Une élaboration lente quelle que soit son apparente simplicité.

 

Un dialogue entre les partenaires dans le long processus de création.

 

Lorsque le texte et l’écriture sont à la base du projet, ils seront une fondation de la 

scénographie. 

Parfois, l’écriture, sa graphie, son rythme… induisent ou suggèrent un espace. 

 

Un espace de perception interne.

Ressenti, vécu, habité par le corps dans son dessin, ses limites, sa matière, ses volumes. 

 

Le dialogue, l’interaction avec le son, le toucher, les matières, l’environnement, les directions, la lumière…

 

 

Un dispositif scénique possiblement  présent/absent et/ou multiforme. 

 

Il peut :

 

- Jouer sur la suggestion, les limites variables. 

 

- Ne pas être mobile et pourtant respirer, s’ouvrir, se fermer, s’agrandir ou se resserrer par la lumière, le son, les images fixes ou animées, selon ses volumes, ses matières et les corps qui le pratiquent.

 

- Se construire en imbrication spatiale, en prolongement ou en ponctuation de l’espace d’accueil jusqu’à  ne plus percevoir ce qui, à l’origine, appartient à l’un ou à l’autre.

 

- Convoquer les spectateurs sur son terrain, l’intégrer, l’englober physiquement.

 

- Être traversé par les spectateurs, l’interaction est possible.

La question du point de vue : sa valeur, ses axes aboutissent à une organisation plus ou 

moins complexe, intuitive ou mathématique.

 

Construire sur plusieurs niveaux.

 

Ouvrir des champs et être en proposition.

 

Penser espace polysémique.

 

Penser polysémie des structures, surfaces, objets, volumes, matières et accessoires …

 

Construire par les pleins et les vides.

 

Une construction spatiale faite de creux, lignes, espaces qui s’arrêtent à temps.

 

Garder en mémoire :  le regard du spectateur peut passer d’un point à un autre.

Les surfaces, les volumes… reliés visuellement et mentalement, la perception va se 

construire sur ce chemin ainsi que la pensée.

 

La complicité avec le/les spectateurs partenaires.

L’illusion, mais pas seulement : une mise en œuvre où, à aucun moment le public ne peut être considéré comme aveugle, inculte ou approximatif dans sa perception.

 

Se nourrir de l’histoire des sociétés, de la vision et de la représentation que les hommes se font ou se sont fait du monde comme de sa hiérarchie.

 

La création scénographique n’est pas un objet et n’est pas non plus dissociée de la vie des hommes.

Étudier les outils, les signes, les codes, les structures et dispositifs utilisés pour construire, mettre en place le tissu social, organiser la cohabitation, les circulations comme instaurer des hiérarchies particulières, ou même des contraintes.

 

Étudier de la même façon la désorganisation.

 

Se pencher sur le terme « en représentation » ailleurs que dans le domaine des arts et des arts vivants, quels dispositifs, quels enjeux, quels codes ?.